22 mars 2011

La Veuve de Saint-Pierre

Si j'écris aujourd'hui sur ce film c'est avant tout pour parler de Patrice Leconte, dont je sais qu'il a engagé plusieurs personnes chargées d'écumer le net en quête de critiques assassines, de propos infamants, de saillies bellicistes et d'insultes à sa personne. Leconte est en effet un binoclard ultra susceptible. Il prend la mouche dès qu'un article négatif est publié à l'encontre d'un de ses films et avoue sans honte qu'il méprise la critique. Faut dire qu'il a de quoi se vexer puisque la critique l'a toujours gaiement égratigné, et pour cause, sa filmographie constituant en bonne partie un gros ramassis de fientes. D'abord metteur en scène attitré du Splendid, le succès mémorable des deux premiers Bronzés lui a ouvert les portes. Il s'est aussitôt engouffré dans la brèche pour réaliser tous les navets que l'on connaît avec Gérard Jugnot ou Michel Blanc. Puis après quelques comédies sympathiques et anecdotiques, le presbyte gringalet s'est empêtré dans une suite de très mauvais drames avant de revenir récemment sur le devant de la scène avec de nouvelles soi-disant comédies purement infectes : Les Bronzés 3, La Guerre des miss... Rien d'étonnant donc à ce que les critiques s'acharnent à couvrir Patrice Leconte d'injures et de réprimandes. En réalité tout bon français peut légitimement s'estimer le droit de réclamer séance tenante à Patrice Leconte une vingtaine d'heures de vie, une vingtaine d'heures de temps perdu, au bas mot, si ce n'est quelques pacsons de fric pour les plus naïfs qui sont allés le souffrir au cinéma et pour les fous qui se le sont payé au vidéo-club un soir de brouillard. Le fait que notre homme soit une tête à baffes notoire n'arrange en rien les choses, si bien que les professionnels le roulent dans la boue et que le grand public se moque de lui à qui mieux mieux. C'est pour cette haine réciproque que se vouent la critique et Patrice Leconte, pour cette guerre des miss ouverte et armée, que j'ai envie ici de "traiter" Patrice Leconte, dans le but non dissimulé d'obtenir mon premier procès.


Jure ?!

Pour la modique somme de 17,10€, libre à vous de mettre la main sur ce livre qui vient tout fraîchement de paraître en librairie. Ou bien préférerez-vous préserver votre petit pécule pour manger autre chose que des pâtes au sel ce soir, et vous contenterez-vous de lire l'immensément bonne nouvelle imprimée sur la couverture du recueil. Depuis que j'ai croisé ce volume dans une vitrine, je ne décroise plus mes doigts - ce qui n'est pas méga pratique pour taper sur mon clavier -, ce petit geste superstitieux étant une prière adressée aux cieux et au sieur Leconte pour que sa parole soit d'or et qu'il ne retouche plus jamais à une caméra. Or mon vœu a redoublé d'intensité quand je suis tombé l'autre jour à la téloche sur une rediffusion de La Veuve de Saint-Pierre. Je n'avais jamais vu ce film, et je ne peux pas tellement affirmer l'avoir vu depuis. Je me suis contenté de regarder une dizaine de minutes avant de mettre les voiles vers un peu d'air frais.


Emir Kusturica raconte qu'il n'a accepté ce rôle que pour deux raisons : dans l'espoir de palper Binoche et pour porter des vêtements chauds

J'ai eu le temps cependant de voir une séquence qui en dit long sur Pat' Leconte. L'idéal serait de vous la faire partager, mais pour ça il aurait fallu que je me procure une vidéo du film et c'est hors de question. Donc je vais vous la raconter. Je tente une expérience sous vos yeux : la critique du tout par la partie, la critique métonymique, la condamnation d'un film par un seul de ses plans. C'est une scène de dialogue - conversation à laquelle je n'ai rien compris car j'ai pris le film en cours de route - entre trois ou quatre personnages autour d'un bureau dans une pièce obscure. La séquence commence par un plan étrange : on ne voit pratiquement rien mais on entend la discussion qui progresse légèrement au loin. Même si on voit que dalle au départ, le plan bouge immédiatement (c'est un travelling latéral de la droite vers la gauche), et très vite on comprend que ce que nous discernons vaguement à l'image est une série de pieds de chaises. La caméra est au ras du sol et balaye le parquet derrière des chaises rangées en cercle contre une table, qui n'est pas celle autour de laquelle sont attablés les personnages qu'on entend au loin pour tailler le bout de gras, personnages assis assis au fond du plan et dont nous pouvons néanmoins écouter la causerie. Lentement, après quelques barreaux de chaises supplémentaires, nous apercevons les acteurs dans le fond du cadre, assis autour d'un bureau quelques mètres plus loin et discourant de sujets auxquels le spectateur n'entend rien car il est fasciné par ce travelling et se demande mordicus pourquoi... pourquoi ce plan, pourquoi comme ça, pourquoi maintenant ? Toujours en mouvement lent, le cadreur se redresse lentement d'un mouvement ample et maîtrisé des jarrets pour quitter le sol petit à petit et cadrer la tablée où s'emballe le dialogue en plan large. Puis le monteur coupe et se rapproche des protagonistes par une suite de gros plans fort convenus sur autant de cuistres engoncés dans leurs costumes d'époques rigides et récitant des dialogues que le spectateur se fait toujours fort d'ignorer, car il est préoccupé par le plan précédent et se demande décidément s'il n'a pas raté quelque chose, un indice, une fêlure dans un pied de chaise voué à annoncer une cascade hilarante dans une séquence ultérieure ? Le travail d'orfèvre d'un chef décorateur zélé et passionné pour le mobilier d'époque ? Une tache sur la moquette qui indiquerait que Juliette Binoche avait "les anglais" lors du tournage ? Il ne sait pas. On ne sait pas. On ne sait pas pourquoi cette séquence commence avec cette caméra qui balaye le parquet sous des chaises avant de se décider à sortir de sous la table pour filmer les acteurs à hauteur d'homme. Et l'on ne saura jamais. Car le mystère que recèle ce plan n'est en réalité pas bien grand, il est cravaté et lunetté, il n'est pas épais, s'exprime avec une bouche pincée, et il s'appelle Patrice Leconte. A sonder ce mystère, on ne trouverait que la vacuité d'un esprit chétif. La séquence suivante s'ouvre sur un plan beaucoup plus réussi, infiniment plus sensé et pertinent, qui révèle un certain brio même, puisqu'il nous présente Emir Kusturica derrière les barreaux.


La Veuve de Saint-Pierre de Patrice Leconte avec Juliette Binoche, Daniel Auteuil et Emir Kusturica (2000)

14 commentaires:

  1. Quand même les Bronzés 3, y'a Jugnot qui joue le rôle d'une vie :D

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  2. C'est bien mérité ! Leconte m'a si souvent ruiné...

    J'aime beaucoup la légende de l'image avec Kusturica.

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  3. elle est bien dedans Binoche?

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  4. Hector Do Nascimiento de Lima del Hijo de PU'22 mars, 2011 16:46

    On dirait qu'il pisse derrière la porte sur la couverture de son bouquin pourri !

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  5. Jugnot, si je pouvais l'exploser...

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  6. Jaspert > J'ai pas vraiment eu le temps de voir Binoche dans les 10 minutes de film qui m'ont mis au supplice...

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  7. comment une actrice comme Binoche qui a tourné avec les plus grands peut-elle faire un film avec cet enflure de Leconte????

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  8. TRIVIA : En voyant Kusturica dans ce film, George Lucas a déclaré : "J'ai dépensé une fortune pour la fourrure de Chewbacca alors qu'il m'aurait suffi d'engager ce Roumain".

    TRIVIA 2 : Darren Aronofsky a abandonné le projet "Wolverine" parce qu'il tenait absolument à ce que Kusturica reprenne le rôle titre à la place de Hugh Jackman. Mais la marque Lipton Ice Tea a refusé car faire danser Kusturica comme un tchiplé entouré de salopes en maillots de bain dans leur pub n'aurait "pas donné une bonne image à l'enseigne en cette période de tensions avec les ROMs".

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  9. Je me suis posé la même question que l'Anonyme ci-dessus ! Puis j'ai ri aussi.

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  10. Je rappelle que Juju Binoche a aussi tourné pour Danièle Thompson aux côtés de Jean Reno dans Décala Horaire.

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  11. Et puis n'oublions pas qu'elle a tourné pour Klapisch dans Paris, un des pires films du siècle...

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  12. Fameuses trivias au fait.
    Wolverine c'est de la tisane ?

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  13. J'aime l'utilisation des mots "mordicus" et "jarrets" dans cette critique :-)

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