11 novembre 2017

Fast & Furious 8

La scène d'introduction est pourtant assez prometteuse. On y découvre un Vin Diesel très en forme se lancer dans une course d'une idiotie absolue à travers les rues de la Havane, risquant sa vie et celle de tous les habitants de la ville, au volant d'un vieux tacot qu'il a pimpé à l'aide d'une canette de coca, tout ça pour sauver une voiture qui finira, comme beaucoup d'autres, par être rendue à la mer. Finalement, le petit malfrat du coin humilié par Vin Diesel (qui remporte une énième course en marche arrière) se résignera à reconnaître son infériorité, et ils se quitteront après une énième accolade virile, le sourire aux lèvres, l'air terriblement bête, une foule de spectateurs en liesse autour d'eux. D'entrée, on a donc du Fast & Furious comme on l'aime : trop con trop bon. Hélas, ça ne dure pas bien longtemps et le film de Félix Gary Gray ne propose que très peu de moments foncièrement débiles de cette trempe. Les fans ironiques de la série seront sûrement déçus.




Car même prise au second, troisième, sixième, millième degré, il devient difficile de prendre vraiment son pied devant un Fast & Furious tant la saga développe tous les travers d'un très mauvais feuilleton, d'un série télé qui n'a que trop duré. On a bien du mal à suivre ces histoires de trahisons, ces retournements de vestes, ces personnages qui disparaissent et reviennent pour camoufler la faiblesse des scénarios et le manque d'intérêt des intrigues. Nous ne comprenons rien aux motivations des uns et des autres tant toutes les scènes explicatives sont vite expédiées pour mieux enchaîner les moments de bravoure too much et les courses-poursuites sans fin sur fond vert. Même les (à peu près) bonnes idées sont réduites à néant par un manque absolue de talent et d'imagination pour les mettre en scène. Je pense ici à cette scène où la grande vilaine incarnée par une fade Charlize Theron, pirate informatique surpuissante, prend le contrôle de toutes les automobiles de Manhattan pour faire régner le chaos dans la ville. Ça aurait pu être sympa mais c'est nul : à l'image, nous voyons simplement des bagnoles numériques faire de sacrés dégâts, entrer en collision, chuter massivement de leurs parkings aériens et s'accumuler les unes sur les autres... Pas jojo...





Charlize Theron campe donc une méchante dont on se fout totalement, au charisme vacillant et qui n'inspire aucune crainte. On ne sait rien et on ne comprend rien de sa vie, de ses objectifs. Seule une scène d'un ridicule à tout rompre nous la montre en train d'affronter, apparemment avec génie, une autre pirate informatique à distance. Cela consiste donc à la voir pianoter à toute vitesse sur un clavier, avec la tête légèrement inclinée et le regard mauvais. J'en suis amené à devoir chercher des synonymes du mot "ridicule" sur internet pour ne pas me répéter... Les scènes d'action pure, qui constituent tout de même 90% du film, sont souvent moches et démontrent une nouvelle fois les limites du tout numérique en terme de cinéma d'action. Quand bien même c'est assez bien fait, on sent clairement comme un manque de matière, on ne ressent aucune impression de risque, de réalité, tout est trop lisse, trop propre, trop clean. On regarde ça affalé dans notre canapé, las et peu concerné, avec plus tard l'envie de revoir les meilleures scènes de poursuite en bagnole de l'Histoire du 7ème Art.




Si le début du film laisse espérer un épisode léger, à l'humour assumé, porté par des acteurs en forme, la suite s'embourbe donc laborieusement et n'honore pas cette promesse. Et bien qu'il s'agisse du deuxième film de la saga à franchir la barre fatidique du milliard de dollars de recettes mondiales, ce Fast & Furious 8 est loin d'arriver à la cheville de l'épisode 5, le seul, à vrai dire, qui tenait à peu près la route. Une nouvelle preuve que la franchise peine à trouver du souffle et à donner du sens à l'étalage de bolides rutilants, de clés de bras, de marteaux-pilons et d'explosions toujours de rigueur, malgré les millions de dollars distribués aux acteurs pour aligner une équipe de choc et pour croquer des scènes d'actions de plus en plus outrancières. On a un peu de peine de retrouver le vieux Kurt Russell dans une telle bouffonnerie, même s'il assure son rôle sans honte, à la différence de Scott Eastwood, qui passe pour le plus gros nigaud d'une bande pourtant bien gratinée. Il faut voir leurs tronches béates quand ils entrent pour la première fois dans un immense garage pleine de bagnoles et autres quatre roues en tous genres, comme des gosses laissés libre dans un magasin de jouets. Ils ont l'air si con !




Même les fans les plus rigolards de la saga auront du mal à trouver leur compte cette fois-ci. Ils devront se contenter de quelques dialogues riches en métaphores animalières très imagées et particulièrement idiots, comme par exemple "Tu as retiré ton pied trop tôt du cou du fauve dont tu croyais t'être débarrassé..." ou "Je suis le crocodile qui surgit du point d'eau pour te faire la peau au moment où tu te crois enfin tranquille..." ou encore "Tu es face au corbeau qui viendra chier sur ta tombe et croasser tout haut pour inviter ses pairs à en faire autant" ou enfin "Je suis le lézard qui viendra se dorer la pilule sur ta pierre tombale, les doigts de pied en éventail, une bouteille de bière à la main, et qui créera un événement Facebook ouvert à tous, pour que l'on chie et pisse ensemble sur ton corps putréfié". Brillant. Dans un autre genre, The Rock et Jason Statham se balancent quelques invectives bien senties, notamment quand le premier annonce au second qu'il aura les dents si profondément enfoncées après avoir reçu ses coups de poing qu'il devra se brosser les dents en passant par le trou de balles... Quelques éclaircis verbaux au milieu d'une brume de médiocrité et d'un festival aussi pétaradant que fatiguant. Deux autres épisodes étant déjà planifiés, nous aurons encore l'occasion de revoir Vin Diesel et sa bande survoler les sphères de la crétinerie totale.


Fast & Furious 8 de F. Gary Gray avec Vin Diesel, Dwayne Johnson, Charlize Theron, Michelle Rodriguez, Jason Statham, Kurt Russell, Scott Eastwood et Nathalie Emmanuel (2017)

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