
L'absence du metteur en scène au stade terminal de la confection de ce film explique peut-être sa qualité douteuse et sa fin en dents de scie. Dans la dernière séquence du film, McGregor résout une énigme digne du jeu Les Chevaliers de Baphomet (fabuleux jeu de Playstation au scénario tortueux signé par le Père Fourras), il vient à bout d'un casse-tête chinois hardcore qui consiste à construire une phrase clé à partir d'un bouquin de 300 pages à l'aide d'un indispensable stabylo et d'un tippex (c'est pas vraiment du blanco, c'est un de ces correcteurs très pratiques, roulants car doté d'un système de poulie ingénieux, qui a le mérite d'être précis, discret, de ne pas faire de grumeaux et de pouvoir être recouvert d'encre tout de suite après application si on n'appuie pas trop fort, et ça déroule une fine bande blanche de béton très dilué ; j'ignore le nom de cet appareil de rêve indispensable à tout fournisseur de fournitures de bureaux, qui fait rêver les étudiants et qui ne finit pas une journée de collège en un seul morceau), tippex que le héros déroule de façon frénétique sur 99% du pavé qu'il s'est échiné à ghost writer pour n'en garder que les malheureux mais précieux termes de la phrase mystère dans une scène digne de Joao César Monteiro. Fort de sa découverte, il la soumet à la femme du Prime Minister, dont il était le nègre et qui s'est fait descendre, car c'est elle que cette découverte incrimine, chose dont on se doute dès le moment où cette dame se met à poil dans le lit du héros sans aucuns pourparlers préalables dès la 37ème minute du film.

Après cet exploit, le héros roule des mécaniques et tord du cul vers la sortie d'une réception mondaine en claquant la porte dans son dos à la manière de Jacquouille dans Les Visiteurs. Là, plan fixe sur une rue de New-York (New-Jersey), McGregor passe, fier comme Artaban, devant le champ avec son manuscrit sous le bras, les mains tout au fond des poches de son baggy, au niveau des genoux, et il s'éclipse hors-cadre, apparemment doté d'un sentiment du devoir accompli exacerbé au vu de l'érection qu'il a du mal à cacher sous son falzar taille basse manifestement pas assez large ; puis dans le fond du champ apparaît une Peugeot Safrane noire qui met soudainement la gomme dans un crissement de pneus tétanisant : le dernier son qu'entendra McGregor, littéralement cueilli par le pare-buffle d'un assassin peu discret et connu par ses amis pour être un peu lourd en soirée. Après avoir déjoué toutes les machinations criminelles fomentées contre lui, notre héros se fait avoir en marchant au milieu de la route. Le plan s'achève sur toutes les pages du manuscrit qui s'envolent une à une, le genre de truc qui te fout la rage si ça t'arrive quand t'es encore vivant, une chance pour le personnage d'être mort donc. C'est nous qui avons le déplaisir de voir ces milliers de feuilles se faire la malle en désordre dans un plan-séquence de haut vol. De quoi nous mettre sur le cul. Sauf qu'après deux heures de léthargie, perso j'avais pas le cœur à me laisser éblouir. Tout ça pour dire que le contexte difficile dans lequel Polanski a terminé son film aurait dû permettre à la critique d'en pointer les grandes faiblesses tout en dédouanant le cinéaste septuagénaire que nous aimons tant. Au lieu de ça on a pu assister à un phénomène de masse inversement proportionnel qui consista à cirer les bottes de Polanski et à s'émerveiller devant ce film ma foi fort anodin. Le genre de film que j'attribuerais volontiers à Doug Liman. Sauf que si c'est lui qui l'avait fait je l'aurais pas vu, mais ce serait un joyau dans sa filmo entre Jumper et Fair Game.
The Ghost Writer de Roman Polanski avec Ewan McGregor, Pierce Brosnan, Olivia Williams et Kim Cattrall (2010)