14 mars 2012

Like Crazy

Alors que le film avait commencé depuis vingt bonnes minutes, j'ai ressenti le besoin d'être un peu éclairé et j'ai donc prié ma compagne de bien vouloir m'en résumer l'histoire. Elle m'a aimablement expliqué qu'il s'agissait d'un jeune couple qui tombe amoureux et qui se retrouve séparé pour une sombre histoire de visa, le jeune gars étant américain et la fille étant anglaise. Ils sont donc amenés par la force des choses à tenter d'entretenir ce qu'on appelle une "long distance relationship". Après un si complet et exact résumé du scénario de cette romance idiote, j'ai très naturellement demandé à ma compagne "Mais comment as-tu fait pour tout comprendre ?!", elle m'a simplement répondu "Bah je regarde le film moi, toi t'as le nez vissé sur ton smartphone, à jouer à Abduction World Attack". J'ai ensuite pu suivre le reste du film plus sereinement.



I Want You I Need You I Love You I Miss You Like Crazy m'est donc apparu comme une version rajeunie du film Green Card de Peter Weir, qui traitait déjà du thème des sans-papiers. Rappelez-vous : un Gérard Depardieu intenable et aux abois essayait de passer outre son interdiction de séjour sur le sol américain pour mieux batifoler à sa guise avec la belle Andie MacDowell. Résultat : un film assez chiant qui se terminait en eau de boudin à l'aéroport de Roissy, et une nomination à l'Oscar du meilleur acteur à la clé pour Gérard Depardieu, qui n'était pas encore le sombre connard adipeux qu'il semble être devenu aujourd'hui. Le plus tristement franchouillard des acteurs est ici remplacé par le dénommé Anton Yelchin, un jeune comédien d'origine russe, très touche-à-tout, découvert par le grand public dans Le Complexe du castor, où il jouait un ado en pleine crise, mais aussi aperçu plus tôt dans Benjamin Button, où il incarnait un vieillard aux portes de la mort interné dans la même maison de retraite que Brad Pitt. Le physique androgyne et atypique de cet acteur natif de Tchernobyl en avril 1986 lui permet de jouer un peu tout et de se glisser dans la peau de personnages de tout âges, de 7 à 77 ans, quels que soient leur sexe. Dans Like Crazy, on sera tout de même un peu étonné, au début du film, de voir qu'un acteur avec une sévère calvitie a été choisi pour jouer un lycéen (même si on imagine quelques redoublements, ça gêne un peu). Le personnage campé par Boris Yelchin devient ensuite ébéniste, fabricant de chaises en bois, et on y croit alors un peu plus. Face à lui, Felicity Jones, une actrice aux dents de devant dignes d'un canasson amoché, mais toutefois pas désagréable car assez éloignée des canons actuels. Quoique... Si c'est pour se taper un chameau fatigué à l'écran, je préfère autant un film avec Jessica Biel ou Megan Fox. Bref, je conclurai donc ce paragraphe en affirmant que le casting ne constitue pas le point fort de ce film.



La réalisation du dénommé Drake Doremus ne rattrape pas ce défaut, elle est tout à fait anodine. On relèvera toutefois que le réalisateur au pseudonyme ridicule est particulièrement friand des jump cuts et qu'il aime cadrer ses personnages à moitié cachés derrière des pans de murs ou des encablures de portes. C'est fort laid. On remarquera également qu'avec son scénario machiavélique, Like Crazy combine deux sujets actuellement très en vogue dans ce genre de films à l'eau de rose : les relations à distance et les premières amours. Pourquoi est-ce à la mode ? Sans doute parce que ça doit causer au public ciblé par ces films : les jeunes adultes, prêts à chialer leurs races devant les mésaventures de personnages suffisamment creux et lisses pour que n'importe qui puisse se projeter en eux. En réalité, Like Crazy est un pur "film pour radasses", comme le dit si bien mon père, avant de glavioter entre mes pieds.



Au bout du compte, un problème administratif à la con aura eu raison de cette romance minable et deux personnages secondaires (de bien tristes pions au service d'un scénario moisi) auront été jetés pour rien. Car il faut préciser que l'amour unissant les deux personnages principaux est si crazy qu'il ne les empêche pas d'aller niquer à droite à gauche quand le temps d'attente entre chaque séjour passé ensemble en Angleterre est un peu trop long. Pendant que le gars se trouve une meuf facile qui l'aide volontiers dans son atelier de chaises en bois, la gonzesse ne va pas chercher bien loin et se laisse tranquillement conquérir par son voisin de palier. Tout ça parce que Monsieur ne veut pas vivre en Angleterre, trop occupé à vendre des chaises en bois à L.A. "J'ai un bon business là-bas !" n'arrête-t-il pas de répéter. Non mais sans blague... Tiens, à ce propos, le titre du film vous fait tiquer, vous aussi ? Je vous explique : à un moment, le vieux type offre une grosse chaise en bois Ikea à sa meuf, sur laquelle il a gauchement gravé "Like crazy". Une triste chaise en bois, assez lourde et imposante, que la pauvre jeune fille se trimballe sous le bras durant tout le film, car, vous comprenez, elle est le symbole de cet amour fou.



Et pour ne rien gâcher à la fête, ce film m'a carrément foutu dans la merde. Pendant tout le film, ma compagne s'est mise à me demander "Quand est-ce que tu m'offres un bracelet ? Quand est-ce que tu m'offres des fleurs ? Quand est-ce que tu me fabriques une chaise ? Quand est-ce que tu répares l'autre que tu as ruinée y'a deux mois ? Quand est-ce que tu fais ci ? Quand est-ce que tu fais ça ?". Je ne pouvais rien répondre, de toute façon je n'avais pas le temps, puisque les questions se succédaient trop vite et les scènes lui donnant l'occasion de m'enterrer aussi ! Comme par exemple cette vilaine scène où l'on voit nos deux tourtereaux boire des bouteilles de champagne au goulot, lors de leur lune de miel. "Nous on pourrait même pas faire ça vu que tu n'aimes pas le champagne..." s'est alors plaint ma compagne. Guilty as charged de ne pas aimer le champagne ! Ni quasiment aucune boisson gazeuse à l'exception du Coca, de l'Orangina et de la Blanquette de Limoux (je suis une tafiole). Je n'aime pas le champagne, je n'aime pas le goût du champagne, ça me donne l'impression de boire de l'air rance. Venir à bout d'une simple coupe est pour moi un supplice. C'est grave, docteur ? Putain de film !


Like Crazy de Drake Doremus avec Anton Yelchin, Felicity Jones, Jennifer Lawrence et Charlie Bewley (2012)