26 février 2016

Lolo

J’ignore exactement pourquoi, mais jusqu’à présent, j’avais encore une sorte de vieille foi en Julie Delpy. J’ignore d’ailleurs aussi comment se maintient cette aura qui entoure l’actrice-réalisatrice, cette côte qu’elle se trimballe, cette réputation qui la précède ? Elle a joué dans quelques bons trucs y'a longtemps, certes, mais ça date, et ça ne pèse pas bien lourd à côté de ce qu’elle nous inflige depuis une dizaine d’années derrière la caméra. J’avais plutôt accroché à 2 Days in Paris en 2007, mais je pense qu’il vaut mieux ne plus jamais croiser ce film sous peine de s’en vouloir à mort d’avoir apprécié… Son film suivant, La Comtesse, était prometteur sur le papier mais, à l'écran, plutôt foiré. Après ça est venu Le Skylab, une horreur pas possible qui a commencé chez nous à faire carrément vaciller toute confiance en l’artiste, voire à éveiller un soupçon de rancœur à son endroit (on n'inflige pas ça à son public sans un retour de bâton dans la tronche). Mais je croyais à un mauvais virage précédant un bon coup de volant direction le bitume. Que dalle. Avec Lolo, Julie Delpy accélère en pleine chicane à la Ayrton Senna. J’ai donc décidé de faire une croix sur elle, en tout cas en tant que cinéaste : sans moi.


Cesse de creuser la Delp', t'es au fond.

Lolo (rien que le titre… et on a droit à tous les caméos du monde, sauf au seul qu'on attend, celui de Lolo Blanc) est une infamie. Et Julie Delpy ne perd pas une seconde pour nous dégoûter de son travail. Dès la première scène, on a envie de se tailler les veines : Karin Viard et Delpy herself, deux vieilles amies, sont dans un bain, en thalasso, à Biarritz. Je vous retranscris le tout premier dialogue, car il faut bien se rendre compte :

« Bon c’est quoi ce bain là ?
- Ca bouge la graisse tout en raffermissant les chairs, c’est bon pour ce qu’on a.
- On a quoi ?
- Ben 45 ans.
- Rah mais c’est un bain de bactéries. Quand je pense à tous ceux qui ont dû pisser dans ce truc aujourd’hui.
- Non mais t’es folle, personne pisse dans ces bains.
- AH c’est quoi ce jet, là, juste dessous, ça me rentre dans la chatte. C’est nul…
- Ben non c’est fait exprès.
- J’aime pas ça.
- Ah moi j’aime bien, ça me masse la chaaaaatte, ça me relaxe. Ca fait combien de temps que t’as pas baisé ?
(…)
- Non mais t’as raison, je ne suis pas normale. Moi j’aimerais me trouver un mec avec qui je pourrais partager des vrais moments de vie.
- Putain dis pas des phrases pareilles, ça me donne envie de me flinguer. »


 Inutile de gonfler les pecs, elle t'étale... C'est nul comme remarque, mais c'est pile poil dans le ton de ce que les personnages s'envoient toutes les deux secondes à la face (à coups de "grosse bite", gros cul", etc.).

Delpy en est encore là. A nous dire que les femmes c’est aussi ça, que c’est comme les hommes, que ça parle de bite et de chatte, que ça aime le cul, et que c’est libre d’être grossier. Mais on est libre aussi d’avoir de l’humour, et de ne pas être ultra lourd. Delpy n’est peut-être pas au courant. Voire, soyons fous, de ne pas écrire des trucs aussi bêtes et plats, et de construire des personnages qui ne sont pas obligatoirement de gros clichés insupportables, sinon des enflures de première. Les deux personnages sont non seulement des clichés de la femme de 45 ans divorcée qui aime et déteste ses gosses, aime et déteste son gros cul, aime et déteste les hommes et la bite, mais aussi, très vite, de la parisienne hautaine et névrosée qui travaille dans la mode et qui donne de formidables envies de coup de pied au cul à la moindre phrase. Delpy a dû se dire qu’en tartinant ainsi ses parisiennes, elle pourrait d’autant plus frapper sur les pèquenauds provinciaux (ou l’inverse). Quand en finira-t-on avec ces comédies françaises populaires dépourvues d’humour (Le Skylab, donc, mais aussi Qu’est-ce qu’on a fait au bon dieu ?, Radiostars, Sous les jupes des filles, 100% cachemire, Comme des frères, et tant d’autres) qui font leur beurre en tapant sur X pour avoir le droit de taper sur Y, qui excusent tout un chacun d’être détestable ou minable parce que le voisin l’est aussi, qui brossent des séries de portraits d’enfoirés pour peupler des films misérables à tous les étages ?


 Après le poids des mots...

Imaginez le même dialogue, en substance, dans la bouche de deux mecs de presque 50 ans divorcés. Ils sont dans un jacuzzi, l'un d'eux s'étonne de ce truc qui lui aspire le sexe, l'autre lui répond : « Rah moi j'adore, ça me suce le zooooooob... », puis on enchaîne : A aimerait partager des vrais moments de vie avec une femme et B lui annonce tout net qu'il est à deux doigts de se faire les veines dans la baignoire en entendant ça. Imaginez. Delpy se croit sans doute maligne, mais ce qu'elle écrit vaut à peine les pires moments d'un film de gros beaufs comme Le Cœur des hommes 3. Et encore j'suis large...


... le choc des tofs.

Et tout est à l’avenant. Dans la deuxième scène, Delpy, Viard et Larnicol (ancienne des Robin des Bois, qui apparaît dans deux scènes pour servir la soupe aux deux autres), sont assises en terrasse et rencontrent deux Biarrots (dont Boon, qui joue de plus en plus mal) forcément lourdingues, car ce sont des provinciaux. Ils viennent de pêcher un gros thon qu’ils font tomber sur la belle robe de la parisienne Delpy. Et dès qu’ils ont tourné le dos, les trois copines décident qu’elles vont se les faire, car « plus ils sont cons, mieux ils baisent ». Les clichés sur les ploucs de province s’accumulent dans la scène suivante, une petite fête dont les parisiennes ont envie de déguerpir à peine arrivées car les guirlandes et la sangria font trop pitié. Puis Delpy va causer à Dany Boon le gros beauf (= il a un tablier et fait cuire les grillades). Dans une ellipse qui laisse à penser que les scènes coupées du dvd doivent durer 12 heures, on comprend que Boon et Delpy se sont mis ensemble lors de cette soirée ringarde et ont vécu pendant 10 jours dans un porno amateur. Puis on retrouve nos deux personnages (Delpy et Viard), à bord du train du retour pour Paris, où Delpy raconte à sa copine comment Boon lui a léché la chatte pendant 10 jours, y compris pendant ses règles, et les deux abruties de mimer un cunilingus de façon extrêmement voyante et bruyante, le tout devant une bourgeoise coincée foutue sur le siège d’à côté comme un pur faire-valoir bien pratique pour assurer au spectateur que les deux héroïnes sont décomplexées, libres et vulgaires et qu’elles ont bien raison de l’être.


Si y'en a un seul parmi vous qui parvient encore à endurer ça dans le calme, qu'il se manifeste, ça m'intéresse, pour les stats.

Dans la même scène, petite vanne sur les handicapés, qui choque évidemment la bourgeoise, mais que le personnage de Karin Viard justifie par une allusion finaude à Intouchables. Une comédie lourde et crétine en salue une autre. Ce n’est pas tout ce que salue Delpy d’ailleurs, qui n’arrête pas de placer ses personnages devant la télé ou dans des expositions à Beaubourg pour citer les films qu’elle aime. Au lieu d’aller piocher des images dans sa dvdthèque, qu’elle salit (d’ailleurs, dans le film, elle et son fils planquent de la beuh dans des boîtiers dvds, dont celui d’Easy Rider, c’est d'un fin...), Delpy ferait mieux de soigner les siennes. Ou plutôt, et surtout, son scénario, qui est une vraie merde. Tout tourne autour de la guerre entre Boon et Vincent Lacoste, qui joue le fils de Delpy. Quand Boon monte à Paris pour bosser (il est ingénieur informaticien pour le Crédit Rural…), son idylle avec Delpy s’intensifie, même si la vie parisienne lui pose quelques soucis (notamment les portiques du métro, car pour un type qui vient de Biarritz, soit un gros con, maîtriser le portique du métro c’est comme ramener Apollo 13 à Cap Canaveral). Or le fils de Delpy, qui a 20 piges, va consacrer sa vie à foutre en l’air le couple, car il veut sa maman pour lui tout seul (beaux plans sur des œufs dans un coquetier qui évoquent les seins de la mère, ou une paire de grosses couilles… allez piger). En fait il faut retirer 30 ans aux personnages adultes, qui agissent et pensent comme des adolescents trépanés (faut voir Delpy qui, apercevant une réaction cutanée sur la poitrine de Boon, le paysan malpropre, demande à son médecin de lui prescrire 36 tests pour détecter les maladies vénériennes), et 10 piges au gamin de Delpy (qui tient un journal colorié au feutre et fout du poil à gratter sur les chemises de son beau-père pendant tout le film). Erreur de casting généralisée. A commencer par la réalisatrice. Mettez-moi ça au chômage… ça de plus ou de moins, au point où on en est… Et puis elle, au moins, elle l'a bien cherché.


Lolo de Julie Delpy avec Julie Delpy, Danny Boon, Karin Viard et Vincent Lacoste (2015)

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